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En 2015, on avait appelé cela « le calme avant la tempête ». La formation de Recep Tayyip Erdogan, le Parti de la justice et du développement (AKP), venait d’essuyer pour la première fois depuis son accession au pouvoir, treize ans plus tôt, un sérieux revers lors des élections législatives de juin. L’AKP avait certes remporté le scrutin avec 40,9 % des voix, mais la formation islamo-nationaliste enregistrait alors un recul de près de 10 points et perdait sa majorité absolue au Parlement. Un résultat bien en deçà de l’objectif de la majorité des trois cinquièmes que s’était fixé le chef de l’Etat pour mener à bien une nouvelle réforme constitutionnelle et instaurer un régime présidentiel autour de sa personne.
« La démocratie gagne en Turquie », titrait alors un éditorial du New York Times. Le quotidien Cumhuriyet, proche de la principale formation d’opposition, le Parti républicain du peuple (CHP), interpellait, lui, M. Erdogan à la une : « La voilà, ta “Nouvelle Turquie” ! »
Mais l’euphorie n’a eu qu’un temps. Après plusieurs semaines d’attente et de flottement, le président reprit la main, écarta l’idée d’un gouvernement de coalition et organisa à marche forcée de nouvelles élections, en novembre, qu’il remporta très largement. Le pays glissa dans la violence : assassinats politiques, reprise des affrontements entre le PKK et les forces de sécurité, attentats.
Moins d’une décennie plus tard, la Turquie est-elle en train de vivre un moment comparable de calme postélectoral annonciateur d’orages ? Passé la surprise, les élections municipales du 31 mars, qui ont pour la première fois relégué l’AKP derrière le CHP, ont remis M. Erdogan sur le reculoir. Son parti a perdu plus de cinq millions de voix, ses candidats ont été balayés dans les principales agglomérations du pays. Les médias étrangers et d’opposition ont parlé de gifle électorale et de revers majuscule. A Ankara, le palais présidentiel bruisse depuis trois semaines de toutes sortes de rumeurs : le chef de l’Etat serait en train d’éplucher les résultats et d’analyser les raisons de la défaite ; son entourage, nerveux et divisé, serait dans l’attente d’une décision.
Plusieurs signes pourraient toutefois laisser croire à une issue différente. Contrairement à 2015, M. Erdogan s’est exprimé le soir même du scrutin pour dire clairement qu’il acceptait les résultats de l’élection. Autre fait marquant, le président a appelé en personne le leader du CHP, Özgür Özel, à l’occasion de la fin de l’Aïd. A un journaliste, M. Erdogan a répondu : « Notre porte est ouverte à M. Özel. Nous avons de nombreux sujets à aborder. » Le quotidien progouvernemental Sabah, plutôt habitué à recenser chaque fait et geste du chef de l’Etat, a consacré sa manchette à une interview avec le responsable du CHP, photo à l’appui. Impensable il y a quelques mois seulement, une rencontre entre les deux hommes pourrait avoir lieu la semaine prochaine.
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